vendredi 15 janvier 2016

Hommage à Chatral Rinpoche


Dzongsar Khyentse Rinpoche a demandé à la Khyentse Foundation et au Siddhartha’s Intent de
poster ce message le 5 janvier 2016
Le décès de Chatral Sangye Rinpoche marque la fin d'une ère. Soudainement nous avons perdu
une sentinelle qui gardait précieusement le Buddhadharma en général, le Vajrayana en
particulier et spécialement le bouddhisme tibétain et la lignée Nyingma.
Le mot Chatral désigne un ascète yogi qui a tout abandonné. On donne habituellement les noms
comme des étiquettes. Mais pour celui qui est passé en paranirvana, le nom de Chatral n'était
pas une simple étiquette. Il représentait et incarnait ce que le terme de Chatral désigne
réellement.
Dans sa longue vie de plus de 102 ans, c'est un homme qui fit tellement, associé avec certains
des plus grands êtres, qu'il devint le maître des maîtres y compris pour les enseignements et fut
le gourou de celui qui découvrit le 14e dalaï-lama Tenzin Gyatso, connu sous le nom de Yongzin
Gyaltsab Radreng Rinpoche. Bien que ce même homme ait simplement à son actif un
monastère, un institut ou un centre du dharma, autour de lui, on ne trouvait pas tout cet arsenal
de plafonds dorés et de trônes. C'était un "Chatral" au vrai sens du terme.
Mais ne vous y trompez pas : de nombreux lamas comme moi-même, ceux qui ont fait le plus de
bruit, qui se sont affichés de la façon la plus ostensible, qui ont voyagé dans tous les coins du
monde, n'ont presque rien réalisé comparé à cet homme qui sembla n'avoir d'autre souci que
celui d'éviter que son tapis de méditation ne refroidisse. Et s'il se manifestait par des actes, c'était
l'homme qui dépensait 99.99% de ce qu'il possédait pour sauver la vie des animaux. Ainsi, pour
des êtres ignorants comme nous, essayer d'exprimer les grandes qualités de cet être illuminé
revient à mesurer la largeur et la profondeur du ciel.
Et pourtant, si je peux exprimer l'une des rares choses que je connaisse de cet homme, je dirais
que le Bouddhadharma fait face a beaucoup de défis, comme ces charlatans qui abîment
purement et simplement l'image du dharma. Ces derniers devrait être vaincus par ceux qui
semblent faire les choses justes, qui apparaissent sereins, bons et moraux et qui n'ont jamais
fâché quiconque. Mais cela nous mène souvent à un autre défi qui est plus difficile à relever. Car,
en faisant les choses correctement, avec bonté et moralité, en portant le fardeau d'éviter de
fâcher les gens, on finit par être victime du "politiquement correct" et l'on devient hypocrite.
Dans ma vie limitée, j'ai vu quelques êtres anti-hypocrites et c'était l'un d'entre eux. Dans son
affaire, il n'y avait pas de négociation et bien entendu, il ne vendit jamais un seul mot du dharma
pour de l'argent. À chaque fois, il refusa de s'incliner devant les puissants.
Il fit trembler beaucoup d'hypocrites. Le seul fait de savoir qu'il était vivant et qu'il respirait
quelque part entre Siliguri et Pharping faisait battre nos cœur. Bien que nous ne l'ayons jamais
vu, spécialement vers la fin de sa vie, (je me suis vu refuser une audience plus d'une vingtaine de
fois) sa simple présence sur cette terre dissipait l'hypocrisie.
Pour exprimer notre hommage, notre vénération et notre supplication, puissions-nous, nous les
disciples de cet homme, garder en vie les êtres en relâchant des poissons par exemple, en
particulier ce mois-ci.

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